Pouvoir partagé et prise de décision

Depuis la nuit des temps et en particulier depuis la moitié du 20ème siècle, avec une accélération ces dernières années, des entreprises, institutions (privées, publiques) et sociétés prônent de nouvelles formes d’organisation qui doivent permettre de mieux répartir le pouvoir, de devenir plus agile et ainsi de diminuer l’importance de la hiérarchie, voire de la faire disparaître.

Vouloir répartir le pouvoir est noble, mais ceci implique une prise de responsabilité accrue. Les anglais ont le terme adéquat avec la notion « d’accountability ». Cette prise de responsabilité implique à son tour le fait de pouvoir porter les conséquences qui en découlent.

Dans ce contexte, la prise de décision est un des leviers essentiels à la répartition du pouvoir. 

Pour que cela puisse fonctionner, il est nécessaire de prendre en compte et d’agir sur trois facteurs primordiaux que sont :

  • L’autonomie des personnes, 
  • Les ressources personnelles disponibles 
  • La culture en place

En ce qui concerne la notion de « pouvoir », veuillez lire l’article « Leadership : un pouvoir légitime » (https://www.bilan.ch/opinions/david-fiorucci/leadership_un_pouvoir_legitime ). 

Le pouvoir

Le pouvoir, malgré la connotation négative que nous lui attribuons aux vues de ce que nous lisons et percevons, est une notion neutre. Du latin « potere » — pouvoir faire quelque chose, avoir les compétences pour — le pouvoir est donc bien neutre, c’est son utilisation — l’utilisation des sources du pouvoir, de ce qui donne du pouvoir — qui peut être positif ou négatif. Ainsi, par exemple, avec de l’argent comme source classique du pouvoir, je peux acheter des armes ou faire un don.

La prise de responsabilité, elle, nous fait parfois sortir de notre zone de confort. 

A ce titre, veuillez lire l’article « Employabilité, zone de confort et respiration consciente » (https://www.bilan.ch/opinions/david-fiorucci/employabilite-zone-de-confort-et-respiration-consciente ). 

Suivant les ressources que nous avons ou les enjeux auxquels nous devons faire face, nous sortirons plus facilement de notre zone de confort et prendrons plus de risques. 

Le courage

L’article sur la notion de courage : « Management : comment renforcer la notion de courage » (https://www.lp3leadership.com/site/fr/management-comment-renforcer-la-notion-de-courage/ ) vous donnera des pistes pour permettre à vos amis, enfants, employés, collègues de surmonter leurs peurs et donc d’être plus courageux.

Au fait, il est « interdit » de dire à quelqu’un : « sois plus courageux ! ». En effet, cela dépend des peurs qu’une personne a ou aura. Ainsi, comme nous ne connaissons pas toutes les peurs des autres, nous n’avons pas le droit de leur demander d’être plus courageux. Nous pouvons par contre activer les leviers mentionnés dans l’article précédemment cité.

Ces leviers que vous pouvez utiliser, développer, renforcer sont:

  1. Les ressources de la personne en la valorisant, en la développant (formations, coaching,…)
  2. Les expériences positives que vous allez permettre par exemple en délégant une tâche où la personne aura du succès
  3. La « naïveté » de la personne en protégeant ses arrières et en renonçant à la blâmer si elle fait une erreur. Ainsi, même si elle ne voit pas tous les risques (c’est ce que j’entends par ma vision de la « naïveté », celle qu’un enfant a) elle osera faire, essayer car elle sait qu’elle pourra apprendre de ses erreurs et que vous n’allez pas lui taper sur les doigts. A ce sujet, lire l’article « Droit à l’erreur : oui, mais pas à la faute ! » (https://www.bilan.ch/opinions/david-fiorucci/droit-a-lerreur-oui-mais-pas-a-la-faute )

La prise de décision

Venons-en maintenant au thème clé, la prise de décision comme levier principal pour la répartition du pouvoir.

Il s’agit tout d’abord d’un problème de culture. Combien de fois j’ai vu des entreprises qui voulaient avoir des approches plus agiles, qui voulaient répartir le pouvoir et qui mettaient en place plein d’outils et de démarches spécifiques, mais qui finalement butaient sur un problème clé, la culture : « Ai-je le droit de prendre des décisions ? » « Est-on assez conséquent ou est-ce une démarche finalement « alibi »? ».

Comme je le mentionne dans l’article « Holacracy & co. : une question d’autonomie, d’équipe, de collaboration et surtout de leadership » (https://www.bilan.ch/opinions/davidfiorucci/holacracy_co_une_question_d_
autonomie_d_equipe_de_collaboration_et_surtout_de_leadership ), pas toutes les entreprises ou organisations peuvent mettre en place de tels systèmes. 

En effet, tout le monde ne veut pas prendre des décisions et en porter les conséquences, tout le monde n’a pas les reins assez solides pour assumer les conséquences. Il est donc nécessaire d’avoir des structures de décisions claires et adaptées à l’entreprise, à l’organisation et à son personnel, sans laisser certaines personnes sur la touche.

Ainsi trois niveaux ou types de prise de décision sont à considérer : 

  • la décision par consensus, 
  • la décision par consentement
  • la décision prise de façon autonome.

La décision par consensus demande que toutes les personnes présentes ou impliquées soient d’accord. Ceci est très lourd en temps, en ressources et abouti à des solutions peu ambitieuses, souvent proches du statu quo et peu enthousiasmantes. Il faudrait éviter de telles décisions.

La décision par consentement est celle appliquée principalement par les nouvelles approches telles que l’holacratie ou la sociocratie. Démarche pertinente si bien gérée. En effet, une personne apporte une décision, un projet, une démarche qu’elle explique et si personne n’a d’objection valide, la décision, le projet ou la démarche est acceptée. 

La clé dans cette façon de faire est de très bien clarifier ce qu’est une objection valide et sur quel référentiel l’on se base (vision, mission, valeurs, principes de comportements, principes de conduite). Il est donc important de structurer et de guider les échanges.

Qu’entend-on par objection valide ? Une objection est valide si la décision, le projet ou la démarche :

  • est contraire à la mission (raison d’être), à la vision ou aux valeurs de façon explicite. Par exemple, une entreprise de production de micromoteurs qui se veut humaniste et déciderait de fournir une fabrique d’armements
  • présente un ou plusieurs risques identifiables et majeurs qui nuiraient à la réputation, feraient perdre un avantage concurrentiel ou retarderaient significativement la mise sur la marché d’un produit clé
  • amène une ou plusieurs conséquences directes. Ceci pourrait être la non-atteinte d’un objectif clé, la multiplication de coûts ou la suppression de personnel 
  • en complément au point précédent, provoque une ou des conséquences irrémédiables vérifiées (pas de prédiction) ; pou ne donner qu’un exemple, si cette décision est prise, un concurrent aurait le droit vérifié de rachat d’une licence de production, ce qui impacterait fortement l’entreprise
  • impacte directement la marge de manœuvre d’une des personnes présente, la réalisation des objectifs ou la qualité des produits et services de l’une ou de plusieurs personnes présentes ou concernées
  • provoque en l’une ou l’autre des personnes présentes un désengagement profond parce que la démarche est contraire à des valeurs personnelles par exemple

Donc si une objection valide est présentée, celle-ci devra être discutée et traitée afin de trouver une piste pour compléter ou adapter la proposition, le projet, la décision, la démarche. Le cas échéant, la proposition est rejetée ou doit être retravaillée et représentée ultérieurement.

Même si tout ceci est réalisé dans les règles de l’art, un problème reste présent. Si une décision prise et validée par la démarche par consentement s’avère être une erreur, il reste très difficile de revenir en arrière et de modifier la décision, d’arrêter le projet ou de stopper la démarche. En effet, comme les personnes présentes ont investi du temps et des ressources, elles ont de la peine à « avouer l’échec ». 

C’est pourquoi, la troisième forme de décision, la décision prise de façon autonome, reste la plus efficace et performante. Il est important que la marge de manœuvre soit clairement définie, que les personnes aient les ressources et le soutien nécessaire pour pouvoir prendre elles-mêmes des décisions sans devoir passer par des processus complexes et coûteux. Pour gagner en rapidité, en flexibilité : rien de mieux.

En effet, si une personne à le droit de prendre des décisions, de se tromper, d’apprendre de ses erreurs et de grandir, elle décidera plus facilement, plus rapidement et surtout si elle se trompe, elle pourra plus facilement revenir sur sa décision, la modifier et ainsi gagner en agilité.

En résumé, permettons au plus grand nombre de personnes de prendre des décisions, tout en renforçant leur autonomie, leurs ressources et en protégeant leurs arrières (sécurité psychologique). 

Pour se faire, une culture d’entreprise apprenante, avec deux boucles d’apprentissages est nécessaire. 

Ainsi, si une personne fait une erreur, elle l’analyse, en tire des enseignements (1ère boucle) et en fait profiter les autres au sein de l’organisation, de l’institution (2ème boucle).

Bonne prise de décision !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *